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Copies d'élèves (2006/2007) - Ecriture d'invention 1ère FLS
Voici un exemple de copie d'écriture d'invention rédigée lors du bac blanc du 20 févier 2007. Ce devoir n'a pas été rédigé par un(e) élève relevant du FLE ou du FLS, mais par une élève de 1ère L de Mme Gassend.
Sujet : "En vous inspirant librement du texte d'Amélie Nothomb, vous ferez resurgir, à partir de sensations précises, un moment, heureux ou non, de votre enfance."
Code des couleurs :
La pluie. La foudre. Quelques gouttes qui tombaient lourdement sur le plateau de fer de la table du jardin ; un éclair comme un morceau de lumière arraché au ciel ; et une petite fille insolente, de quatre ans, assise les bras croisés, le visage froissé. On voyait à peine sa silhouette, comme une ombre à moitié tachée de lumière. Elle était assise sur un tabouret, derrière une mystérieuse barrière de verre appelée fenêtre, et entre le rideau de la scène et l'artifice d'une nuit d'été. Cette créature agitée, visiblement insaisissable et incomprise, c'était moi. Je me vois encore, le cheveux en bataille, caressant doucement la paume de ma main, purgée par les larmes. La nuit était noire. Très noire. Et j'avais encore un léger goût de sang qui flottait dans ma bouche. La petite fille semblait se bercer, et d'où je la regardais je l'entendais murmurer : "Dans le brouillard gris, S'efface la lumière. Dans le brouillard gris, du matin."
Les gouttes se précipitaient sur les carreaux, comme des milliers d'oiseaux qui viendraient violemment se donner la mort sur la surface meurtrière de - ma - fenêtre. Le bruit emplissait le vide, le noir. Il faisait chaud et cette lourdeur humide s'ajouta aux perles de sang qui ruissellaient sur ma chemise de nuit blanche. - C'était beau - C'était la première fois que je saignais. Je continuai à osciller tendrement, mes poings fermés sur une rivière rouge. "Dans le brouillard gris, Scintille une lumière, Qu'on croirait saisir à la main."
Je sentais des perles d'ivoire transparent couler sur mon visage. Et tout allait se rejoindre, se mélanger harmonieusement, dans le creux de ma main.
La créature ne bougeait pas.
J'entendis une voix qui me parlait. Elle était diaboliquement douce, et je répondis calmement, comme si j'eusse été un cheval assoiffé à qui l'on offrait de l'eau : "Ca fait mal?" Ce rythme et cette prononciation m'étaient familiers. Je connaissais cette voix. "Oui."
Un long silence recouvrit ensuite la pièce, comme la marée qui reprend possession de la plage. Je repris mon souffle pour briser le silence : "Acédia", dis-je, en malaxant ce goût de sang qui moussait toujours dans ma bouche. La voix ne parla pas. "Oui, j'ai mal, j'ai toujours mal". Le miracle se produisait : les larmes arrivaient. Je me demande pourquoi cette enfant pleurait. De peur, sans doute, d'un manque de bonheur, peut-être.
La créature ne connaissait pas le sang. Cela avait un goût anormal. Comme si on léchait une pièce de monnaie. C'était beau, ce rouge qui coulait. Ca faisait mal. Comme quand je m'étais brûlée avec du chocolat chaud. Mais là, ça venait de l'intérieur. C'était de la tristesse, de l'amertume, de la jalousie.
Les larmes étaient des larmes de sang, et la plaie, hélas, ne s'était pas refermée.
Ce fut alors que je naquis, à quatre ans, après la découverte de la douleur. Et si on me demande aujourd'hui ce que je me rappelle de ma petite enfance, je répondrai calmement, comme si je buvais cette eau, que je la sentais s'estomper dans les parois obscures de l'oesophage : "La pluie. La foudre. Quelques gouttes qui tombaient sur le plateau de fer de la table du jardin ; un éclair, comme un morceau de lumière arraché au ciel ; et une petite fille insolente, de quatre ans, assise les bras croisés, le visage froissé. Voilà mon premier souvenir d'enfance". Mais je ne leur dirai pas tout. C'est fini : n'en parlons plus.
Elsa L., 1ère L section internationale, lycée international de Valbonne Sophia-Antipolis, février 2007.
Date de création : 20/03/2007 @ 14:54 |