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c) Ecritures d'invention 2nde

Lycée international de Valbonne Sophia-Antipolis

 

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Centre international de Valbonne

 


 Vous trouverez ci-dessous quelques devoirs d'écriture d'invention rédigés en temps libre, et qui constituent le bilan d'une séquence consacrée au genre théâtral (étude des genres et registres), en classe de seconde. Ladite séquence était composée de plusieurs lectures analytiques et parcours portant sur Tartuffe, de Molière, étudié en oeuvre intégrale. A cela s'est ajouté un groupement de textes complémentaires intitulé Le héros et le pouvoir au théâtre, comprenant un extrait de tragédie (Horace, de Corneille), de drame romantique (Hernani, de V. Hugo), ainsi que le dénouement de Rhinocéros, d'E. Ionesco, dans la perspective du théâtre de l'absurde.

Cette diversité permettait aux élèves de connaître quelques-unes des spécificités de la tragédie et de la comédie, d'autant que ces thématiques avaient été abordées dans les parcours de l'oeuvre intégrale, ainsi qu'au cours de la méthodologie du commentaire (les différents registres). Les critères de réussite explicités dans le sujet pouvaient donc être satisfaits.

 

Classe de 2nde (section internationale)

 

Année scolaire 2005/2006

 

Professeur : JF Bouché

 

 


 

Devoir à rendre le vendredi 05 mai 2006


(Coefficient : 2)


Bilan de la séquence consacrée au genre théâtral :


Oeuvre intégrale n°2 : Tartuffe, de Molière


Groupement de textes n° 3 : Le héros et le pouvoir au théâtre.





L'écriture d'invention (sujet de type 3 du baccalauréat) : Vous imaginerez la scène finale de Tartuffe sous la forme d' un dénouement de tragédie. Vous êtes libre de conserver ou de modifier le nombre de personnage(s) présent(s) sur scène (tous ceux que Molière met en scène, ou seulement quelques-uns d'entre eux, voire un seul, si vous choisissez de rédiger un monologue).

Il vous faudra toutefois respecter les caractéristiques suivantes :


 

 

 

 

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Devoir n°1 : Malika G.

 

 

 

Tartuffe Acte V scène 7



La scène a pour cadre, comme toutes les précédentes, le salon de la famille d’Orgon. On peut y voir cinq fauteuils de velours rouge disposés en demi-cercle sur l’extrémité gauche de la scène autour d’une cheminée allumée. Au fond et au centre se trouve une porte de bois avec une poignée dorée donnant de toutes évidences sur les autres pièces de la maison. A l’extrémité droite de la scène on peut voir une table en bois, où le couvert est dressé mais personne n’est à table. En fait il n’y a sur scène qu’un seul personnage, Tartuffe, assis dans le plus grand des fauteuils, près de la cheminée. La lumière des flammes danse sur son visage, il sourit tranquillement.



Orgon, Elmire, Marianne, Cléante, Damis, Dorine, Madame Pernelle, Tartuffe

Tous entrent dans un grand état d’agitation en parlant entre eux, personne ne remarque Tartuffe dans son fauteuil


Orgon

Une lettre à la main, on peut voir sur l’enveloppe un sceau officiel

Je ne m’étais pas rendu compte que j’avais perdu ma dignité dans cette entreprise, et maintenant que je mesure l’étendu de ce que je n’ai plus, notre Roi m’inflige une autre perte ! Juste et digne monarche,  il me fait perdre mes possessions matérielles, ma maison et les restes de ma vie car ma naïveté ne mérite aucune concession et ne saurait trouver de pardon !


Madame Pernelle

Il serait facile de dire que tu es seul coupable dans cette machination, moi, ta mère ! Je n’ai pas su reconnaître la marque du diable dans cet être lorsque pour la première fois tu l’amenas sous notre toit et, faisant preuve d’une naïveté tout aussi coupable, je n’ai pas su te donner les conseils qu’il fallait si bien que rien ne semblait pouvoir prévenir cette fin !

Elle se prend la tête dans ses mains et s’asseoit sur une des chaises autour de la table, Marianne s’asseoit à côté d’elle et la prend dans ses bras.


Elmire

Ce maudit homme avait en lui plus de perfidie qu’un serpent et plus de venin encore ! Se faire ensorceler par un démon n’est pas matière à rougir et si vous voulez garder ce que votre vie jusqu’ici vous a enseigné, prenez la dignité qui vous reste car elle n’est pas là où Tartuffe croit l’avoir prise et de notre fin tirons la fierté qui reste aux démunis !


Dorine

Ayez le réconfort de penser que ce perfide homme ira moins loin avec nos biens que nous sans car ce Dieu dont il se targuait saura reconnaître en lui la créature de son ennemi.


Damis

Sortant une dague de sa poche, marchant jusqu’à l’avant scène, sa rage est palpable.

Il ne sera pas dit que notre famille aura abandonné sans se battre ! Mon poing jusqu’ici s’est serré mais n’a encore pu se refermer sur la gorge de ce vaurien ! Laissez-moi lui montrer la couleur de ma colère, laissez-moi faire regretter à ce pleutre de n’avoir plus de cran, laissez-moi l’envoyer plus tôt qu’il ne l’aurait cru auprès de ce Dieu accablé de honte d’avoir été faussement servi par un démon !



Cléante

S’approchant de Damis et lui prenant la dague des mains

Ne t’abaisse jamais à ce qu’aurait fait un de tes ennemis ! Cette dague ferait couler un sang qui prendrait la couleur de notre honte ! Ne comprends tu pas ? Nous avons été fait les pions d’une histoire dont nous ne maîtrisons rien, le Roi a décidé pour nous la fin et s’opposer à sa décision serait faire de nous des lâches ! Nous sommes servants de Dieu et de l’Etat alors range cette arme qui assassinerait en même temps que notre ennemi ceux à qui nous devons respect !

Damis

D’une voix où colère et désespoir se mêlent.

Ne nous vengerons-nous pas ? Ne lui ferons-nous pas regretter chacun de ses mots à ce fourbe ? Ne reprendrons-nous pas commande de nos vies ?


Cléante

Avons-nous jamais eu commande de notre destin ?


Tartuffe se lève du fauteuil et tout le monde le regarde soudain, se rendant compte qu’il a été là durant tout leur échange. Les réactions sont diverses : Damis esquisse un geste pour se jeter sur lui mais se fait retenir par Cléante, Elmire se rapproche de son mari et leurs expressions s’apparentent au dégoût et au défi. Dorine détourne la tête dans une moue de mépris tandis que Marianne et Madame Pernelle relèvent la tête, Marianne se lève. Tartuffe quant à lui sourit toujours, avec une expression de satisfaction déplaisante peinte sur son visage


Tartuffe


Ecoutez votre oncle, cher Damis, faire couler mon sang ne rachèterait pas le vôtre, moi qui pensais que vous n’aviez pas la naïveté de votre père me voila déçu…


Mme Pernelle

Démon !


Orgon


Je t’ai secouru et voilà comment je suis récompensé ! Je t’ai aimé et voilà le visage que tu me montres ! Mais s'il est encore possible de parler à ton cœur, laisse ma famille en paix ! Je suis seul coupable de t’avoir cru, seul responsable de notre perte, alors épargne-les, laisse-les garder leurs biens, donne-leur le temps nécessaire pour quitter cette demeure qu’ils ont chérie ! Je m’éclipserai dès ce soir, prends gage de mon absence et tolère leur présence.


Tartuffe

Quel plaidoyer touchant ! Mais mon cœur auquel vous voulez parler appartient à l’Etat et ce dernier m’est reconnaissant d’avoir su trouver en vous les faiblesses qui vous amènent à ne pas savoir le servir correctement, si vous vous abaissez si facilement devant moi les vrais ennemis du Roi n‘auraient pas besoin de beaucoup de temps pour faire de vous un traître !






Dorine


Lâche ! Pourquoi mentir encore ? Le seul qui t’a envoyé dans notre maison c’est le diable lui-même ! Jouons cartes sur table et n’essaie pas de pervertir nos pensées en te targuant d’une autre mission sainte !



Tartuffe

Mais, Madame, jouez s' il vous plaît ! La partie qui s’est déroulée ici, je l’ai gagnée et n’ai rien à ajouter !

Il fait une révérence, un sourire ironique aux lèvres

Et maintenant, je m’en vais quérir mon prix et vous devriez partir avant que ma colère ne s’abatte sur vous, profitez de ce que la satisfaction fait poindre en moi des sentiments proches de la compassion.



Damis

Essayant sans succès d’échapper à l’étreinte de Cléante

Pleutre ! Assassin ! Viens te mesurer à moi ! Accepte de remettre en jeu ce que tu as gagné par la fourberie ! Un combat singulier où l’enjeu serait ce que tu as volé sournoisement !


Tartuffe

Le temps des duels est un temps révolu. Ce que j’ai rendu à l’Etat je ne prendrai pas le risque de le perdre dans une fougue qui sied peu aux serviteurs du Roi.


Elmire

Suffit ! Nous n’avons que trop enduré votre vue, alors maintenant partons, drapons-nous dans un silence aussi grand que notre mépris et quittons ces lieux maudits où, je le sens, rien de bon n’arrivera plus.


Tous sauf Tartuffe se tournent et se dirigent vers la porte, têtes baissées, se soutenant les uns les autres, murmurant entre eux.


Tartuffe

Eh là ! N’oubliez-vous donc rien ? Il est un engagement que vous avez pris et dont le respect me tient à cœur…


Orgon

Que veux tu encore, scélérat ?


Tartuffe

Allons, allons en voila des manières de parler à celui auquel vous avez promis votre fille !

Tartuffe rayonne de satisfaction alors que les autres personnages présents sur scène laissent échapper des cris de stupeur et d’effroi.


Madame Pernelle


Elle ne sera pas mariée au diable !




Elmire

Se tournant vers Orgon, un regard affolé et suppliant

Il est des engagements qu’il faut savoir ne pas tenir !


Damis

Vous n’aurez jamais ma sœur ! Vos mains sur elle seraient une insulte insupportable ! N’avez-vous pas déjà assez pris ?


Cléante

Si votre devoir est le service du Roi, en quoi la main de Marianne sert elle votre cause ?


Elmire

Vous n’y pensez pas voyons ! Cette enfant ne peut épouser un ennemi de la famille ! Lorsque mon mari vous fit cette promesse, c’est le poids de vos perfidies qui troublèrent sa raison !


Orgon

D’une voix désespérée, les yeux embués et perdus dans le vague

Et pourtant…j’ai promis….Oh ma fille ! Ma fille !

Il se jette aux pieds de Marianne qui ,bien qu’elle n’ait pas parlé encore, a les yeux rivés sur Tartuffe, et sa posture a changé. Elle qui avait jusqu’ici l’air d’une enfant est soudain imposante et semble plus forte que ce qu’elle n’a jamais montré. Lorsqu’elle parle, sa voix a des intonations désespérées, mais une assurance toute aussi troublante.


Marianne

Vous n’oseriez pas ! Ma main vous a été promise, mais c’est celle d’une autre femme présente ici que vous vouliez prendre. Ma fierté n’est pas entachée dans la perte de nos biens car tout ce que j’ai d’espoir et de dignité, je l’ai placé en Valère ! Toutes vos ruses ne me détourneront de lui, car je l’aime et ce sentiment inconnu à votre cœur, rien, jamais, ne l’arrachera au mien !


Tartuffe

Aimez, cher enfant, aimez-le lui, mais appartenez-moi ! Que votre cœur aille à un autre m’importe peu, tant que vos faveurs me reviennent et que votre nom s’allie au mien.


Tartuffe et Marianne sont maintenant face à face sur le côté gauche de la scène, les autres ont reculé jusqu’au côté droit, surpris par Marianne, ils écoutent.


Marianne

Votre nom, je ne saurais le prononcer sans dégoût et le voir accoler au mien est un affront que jamais je ne supporterai ! Mon cœur est aussi droit que le vôtre est fourbe et si vous vous entêtez dans ce mariage, c’est une morte que vous épouserez ! Faites prononcez les noces à l’Eglise, vous n’aurez ainsi pas beaucoup à parcourir pour venir me chercher dans ma tombe !


Tartuffe

Je connais le pouvoir des mots et n’espérez pas m’impressionner avec eux. Votre nom, votre rang, vous obligent à vous soumettre à ce mariage que votre père a décidé pour vous. Valère n’a ni ma place ni les faveurs de votre père, alors retenez vos larmes et soyez digne du nom d’épouse !


Marianne

Jamais, si c’est la vôtre ! Jamais si ce n’est avec celui que j’aime ! Et s'il est vrai que mon rang m’astreint à l’obéissance, rien ne m’oblige à vivre et vos nuits où je ne vous accompagnerai pas seront hantées par le sang que vous m’obligez à faire couler ! La force de mon amour me fait envisager la mort avec plus de plaisir et moins de douleur qu’une vie à vos côtés !


Tartuffe

Vous perdrez avec votre jeunesse votre fougue déplacée et apprendrez que l’amour que vous croyez connaître n’est qu’une chimère. Remerciez-moi de mes enseignements, soumettez-vous car votre rang de femme ne vous autorise rien d’autre ! Le suicide que vous osez évoquer vous rendrait bien plus impie que moi, et c’est là un affront que je ne serais pas le seul à ne pas vous pardonner.

Marianne

Peu m’importe, maintenant ! Et il ne sera pas dit que j’ai épousé un démon, la mort et son jugement me paraissent plus justes que le sort que vous voulez m’infliger. Je n’ai pas peur, je n’ai plus peur ni de vous ni des autres, et mes péchés seront rachetés par les larmes de Valère !


Tartuffe

Il est trop tard pour pleurer ,Marianne, vos biens, vos vies m’appartiennent et rien ne peut changer cela, c’est votre père qui vous a offerte à moi, et je suis maître ici avec ou sans votre main, je suis vainqueur, avec ou sans votre sang, je garde votre rang.


Marianne

Et en plus d’assassiner nos vies et notre dignité, vous voulez tuer mon amour !


Tartuffe

Je veux reprendre ce qui est à moi !


Marianne

Jamais je ne serai à vous !


Marianne se retourne et court vers Cléante qui, surprits, la laisse prendre la dague qu’il tenait toujours à la main. Elle s’enfuit vers la porte qu’elle laisse ouverte. Tous sauf Tartuffe se précipite ntà sa poursuite. Venant des coulisses on entend un cri étranglé et des gémissements.

Sur scène la lumière baisse et devient rouge. Tartuffe s’approche du feu et se rasseoit sur le fauteuil où il se tenait,  son visage éclairé par les flammes lui donne un aspect plus diabolique que jamais, il sourit et sort une pipe qu’il bourre de tabac et commence à fumer, rejetant la tête en arrière alors qu’il crache la fumée, rêveur.


La lumière rouge s’intensifie et s’éteint brutalement alors que le rideau tombe.


Fin



Malika G., 2nde section internationale, lycée international de Valbonne Sophia-Antipolis (Centre international de Valbonne) ; mai 2006.





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2ème devoir : Clément R.

 

 

 

ACTE V, Scène 7


TARTUFFE, VALERE, ORGON, ELMIRE, MARIANE, MADAME PERNELLE, DORINE, CLEANTE, DAMIS


Lumière tamisée, scène sombre


TARTUFFE


Eh bien, Monsieur, où courez-vous ainsi ? Je doute fort que votre hâte soit motivée par le pressant besoin de me céder ces lieux.


ORGON, furieux


Malfrat ! Comment oses-tu te montrer à mes yeux ?


TARTUFFE


Ce déplaisir, Monsieur, est partagé. Que sur moi se portent les yeux d’un traître m’est insoutenable.


DORINE, à part


C’est l’hôpital qui se moque de la charité !


DAMIS, s’approchant de Tartuffe, menaçant


Il n’est en ces lieux qu’un seul traître, être détestable, et c’est toi.


TARTUFFE


Croyez bien que la découverte des méfaits de Monsieur votre père fut pour moi un atroce bouleversement. Cet homme si bon avec moi, avait auparavant trahi le Prince ignominieusement. La peur qui me saisit me fit consulter le Ciel, qui m’apprit mon devoir. Ma loyauté est avec Dieu et son légitime représentant, le Prince. Le déchirement qui m’obligea à dénoncer Monsieur votre père fut terrible, mais le destin des dévots est de souffrir en silence et d’accomplir leur devoir sut Terre avant d’espérer la récompense divine. Il lève les yeux au ciel. A Orgon : Ma seule consolation, Monsieur, est de voir vos méfaits et votre duplicité enfin punis. En effet, la punition du Prince est doublement juste : il sanctionne votre immonde traîtrise à son égard et votre hypocrisie vis-à-vis de mon innocente et simple personne. Vous, qui avez été si génééreux avec moi, vous, qui avez prétendu être dévot pour amadouer ma faiblesse, vous, qui avez abusé de ce prétexte odieux et tenté malgré les atrocités que vous avez commises de vous immiscer auprès du Ciel, vous avez ignoré et bafoué la justice divine, absolue et irrésistible. Mais à présent, et comme il se devait, votre destin vous rejoint et vos blasphèmes vous transporterons de prison en Enfer !


ELMIRE


L’odieux hypocrite !


DAMIS


Le fieffé scélérat !


VALERE


L’éhonté menteur !


MADAME PERNELLE, troublée


Monsieur Tartuffe… S’il vous plaît… Mon fils, nul doute n’est permis, s’est conduit de façon peu considérée. Mais la miséricorde divine n’est-elle pas supérieure à Sa haine ? Dieu peut-il être vindicatif ?


TARTUFFE, outré


Blasphématrice ! Il se signe. Comment osez-vous insinuer que le Ciel ait soif de vengeance ou de haine ? Seule la justice importe au Seigneur, et la loi divine doit être respectée. Dieu est bon, et c’est cette bonté qui le conduit à rendre Sa nécessaire justice. Le Ciel est impartial, car omniscient et omnipotent. La trahison de Monsieur votre fils est une offense au Prince, et donc à Dieu, et c’est par bonté envers l’humanité que le Seigneur le châtie. La justice divine est totale, inexorable et, parfois, fatale. Il se signe à nouveau.


ORGON, terrifié


Serai-je exécuté ?


TARTUFFE


Point, Monsieur. La geôle suffira à votre sournoise et méprisable personne. Vous pourrez y méditer sur vos péchés jusqu’au trépas.


ORGON, horrifié


Mais ce n’est là qu’une condamnation à mort repoussée ! Il s’effondre à genoux.


TARTUFFE, désinvolte


Cette longue solitude servira à votre rédemption, même si celle-ci est fort improbable, vu votre conduite malsaine. Pour ma part, je pense que la clémence du Prince témoigne de l’infinie mansuétude divine. Vos méfaits eussent pu être punis de mort sans regret. De plus, vous serez nourri, mal, certes, mais nourri. Votre famille n’aura pas cette chance.


MADAME PERNELLE


Mon Dieu !


TARTUFFE, agacé


Trêve de blasphèmes, Madame.


DORINE


Qu’adviendra-t-il de vous, Monsieur Tartuffe ? Votre honorable attitude vous vaudra sans doute reconnaissances royale, et divine.


TARTUFFE


Votre ironie est déplacée. Quant à ma récompense, j’ai insisté pour ne recevoir rien de plus qu’il ne m’est dû. En outre, j’hérite de cette maison, à regrets, connaissant son précédent propriétaire.


CLEANTE


N’avez-vous pas réclamé les faveurs du Prince ?


TARTUFFE


Vos tentatives pour blesser mon honneur ne vous rendent que plus méprisable, Monsieur. Nul besoin de faveurs, quand le Ciel me récompensera pour ma valeur.


CLEANTE


Espérez-vous la récompense divine ?


TARTUFFE


Ce noble espoir n’est-il pas la raison de vivre de tout dévot ?


CLEANTE


Précisément pas, Monsieur. Le but du véritable est de servir Dieu, entièrement, et sans aucun espoir de récompense. Seules l’adoration et la vénération du Ciel guident le vrai dévot. Votre dévotion, Monsieur, est un habit sous lequel vous dissimulez votre vile personne. Vous croyez plus en votre propre hypocrisie qu’en Dieu, et votre foi n’est qu’un produit fabriqué par votre sournoise stratégie de mensonges odieux, spécieux et exécrables. Aujourd’hui vous êtes vainqueur. Vous êtes comme Judas, de plus sans remords. Monsieur mon beau-frère est par votre faute condamné à la prison et sa famille à la misère. Si la fatalité s’abat sur nous aujourd’hui, je veux croire qu’un jour, lointain peut-être, le destin de chacun sera respecté et le vrai coupable puni. Votre damnation, Monsieur Tartuffe, excèdera toutes les souffrances que vous avez infligées à vos honnêtes et fidèles contemporains. Moi qui crois, je m’en remets à Dieu.


TARTUFFE, sans expression


Quittez ces lieux. A Orgon : Pourrissez dans votre geôle. Aux autres : Que la mort vous frappe promptement si, bien que j’en doute, Dieu désire écourter vos souffrance dans sa grâce.


CLEANTE


Le Ciel nous jugera tous, Tartuffe. Adieu.


TARTUFFE, hautain


Soit, peu m’en chaut.

 

 

 

Clément R., 2nde section internationale, lycée international de Valbonne Sophia-Antipolis (Centre international de Valbonne) ; mai 2006.

 

 

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3ème devoir : Elsa L.

 

 

 




 


ACTE V, scene 6

ORGON, TARTUFFE

(Dans la salle à manger familiale, les lumières sont pales. Tartuffe a enlevé son costume extravagant et débordant de richesses, et porte désormais une simple tunique grise. Orgon, au contraire, porte des habits de couleurs.)


ORGON : (d’un ton triste et vaincu)


Oh, Dieu ! Oh, Tartufferie ! Oh, traître qui me ruina !

Les bras aveugles de mon cœur t’ont embrassé trop tôt

Et mon amour pour toi dans l’horreur me figea :

Tu baises la main de ma fille, courtises ma femme,

Ensuite profites allègrement de mes richesses,

Et finalement déshérites mon fils, Damis.

Oh, traître ! Rends- moi la dévotion qui plaisait tant

A ma vie dévote, emplie de solitude.

Ote-toi de mon soleil, la lune est rouge encor !



TARTUFFE : (levant les yeux au ciel)


Mon ami, je ne fais qu’obéir au devoir

Que le ciel m’impose et à la mission que le

Prince m’a chargé d’exécuter, sans sentiment.

Vos emportements ne feront que creuser la

Profonde tombe de misère dans laquelle vous sombrez,

Inexorablement.



ORGON : (furieux)


L’infâme !

Il me pille, et demande que je le remercie !



TARTUFFE:

Le pauvre homme.



ORGON :


Et le Prince ? Où est la justice ?



TARTUFFE :


Elle se cache dans la cassette oubliée.



ORGON :


Oh rage ! Des graines de haine germent au sein de mon cœur,

Bientôt, dans les perles de mes larmes tu te noieras !


Va, je ne te hais point !

(Bas)

Dieu, gardez-moi de mes amis, je me charge de mes ennemis.


ACTE V, scène 7

TARTUFFE, ORGON, L’EXEMPT

(La scène s’assombrit. L’Exempt est entièrement vêtu d’étoffes rares et porte des bijoux précieux à tous les doigts.)

(L’Exempt entre)


TARTUFFE :


Le pauvre homme !

Seigneur ! Délivrez-moi, je souffre des commentaires

Désagréables de cet homme.

Arrêtez-le, et que la confiance règne à nouveau dans cette demeure.

Oh ! Comme je meurs de le voir se lamenter,

Réfuter un crime qu’il a commis sous mes yeux !

Ah, mon Roi ! Je vous exhorte d’appeler en vous

L’être de lumière qui brille en tous les monarques !


L’EXEMPT : (à Orgon)


Monsieur, veuillez me suivre.


ORGON : (résigné)


Bien sûr. Mes pas vous suivent mais mon âme reste ici.


L’EXEMPT :


Soit, mais vos aveux seront bien mieux appréciés

Par les solides murs de votre prison paisible.


ORGON : (l’interrompant)


Et la justice ?


TARTUFFE : (répondant à la place du Roi)


Voyez, il n’y a pas de justice des hommes,

Dieu en est seul juge, notre Prince est le messager

De la parole sacrée.


ORGON :


Que je me réveille enfin de ce cauchemar !

(À Tartuffe) Les flammes de l’enfer caressent votre faux visage,

Brumeuse, qu’elles viennent denteler l’horizon violet.


(L’exempt chasse Orgon hors de la scène, et le suit. Orgon, tout en marchant d’un pas pressé, murmure une prière entre ses mains menottées. Au dehors, on entend quelques bruits de protestation, puis un grand calme. Les lumières sont éblouissantes. La scène, présentement, baigne dans une couleur cramoisie.)

 

TARTUFFE : (seul)


Enfin, ma mission est accomplie.

Dieu, merci, tu m’aides bien souvent

A arriver à mes fins.

Ils ne se doutent de rien.

Personne n’oserait questionner ma « bonne foi »

Oh ! Diable ! Je suis, certes

Un de vos serviteurs.

Mais qui, comme Lucifer,

A su promptement se

Détacher du Ciel.

Les flammes ! Les flammes !

Les femmes aussi !

La chair humaine, les plaisirs

Gourmands : Tout cela m’appartient.


Assez de plaisanteries,

Remettons ce masque,

Ces fausses larmes,

Ce sourire aimable,

Cette allure modeste,

Et allons de nouveau,

A la conquête d’horizons

Luxueux.

Oh ! Diable. Que je suis fort…


Servante, cherche mon cheval et la cassette !


(À part) Le mensonge se noya dans son sang qui se glace.


(Les lumières s’assombrissent et le rideau, lentement, tombe.)

 

Elsa L., 2nde section internationale, lycée international de Valbonne Sophia-Antipolis (Centre international de Valbonne) ; mai 2006.

 

 

 

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4ème devoir : Victoire L.

 

 

 

Acte V ; scène 7


Orgon sur scène. Entre Monsieur Jacques.

On aperçoit les autres personnages, observant la scène par l’entrebâillement de la porte.

Projecteurs sur toute la salle.



MONSIEUR JACQUES

Monsieur Orgon ?


ORGON

Oui.


MONSIEUR JACQUES

Enchanté. Je me présente :

Monsieur Jacques. J’amène une nouvelle importante.


ORGON

Une nouvelle ? J’espère que ce n’est rien d’alarmant !

Allons ! Annoncez vite ! J’ai comme un pressentiment…


MONSIEUR JACQUES

Je suis envoyé, Monsieur, pour vous annoncer

Qu’à l’instant même, ces lieux, vous devez quitter

La puissante Eglise a donné son jugement :

Votre famille doit dénicher de céans.

Tous vos biens et affaires vous seront repris,

Et la table, et le vin ; les bijoux et les lits.


ORGON

Las !


MONSIEUR JACQUES

Vous avez, Monsieur, une heure voire deux

Pour que vous et vos gens délaissiez les lieux.


ORGON

Apprenant cela, je ne peux que rester coi.

Vous… Vous… Vous comprenez…


MONSIEUR JACQUES

(l'interrompant, d’un ton sec)

Certes, je le conçois.

(le pressant)

Allez annoncer l’impérieuse nouvelle !

Tristesse éclate ? Rappelez-leur qu’en tant que fidèles,

Ceci étant la bonne volonté de Dieu,

Les larmes doivent céder aux rires heureux.


ORGON

(perplexe)

Ciel ! Cette triste annonce ne leur plaira guère !

S’ils venaient à refuser, que pourrais-je faire ?


MONSIEUR JACQUES

(levant l’index, comme un signe d’autorité, voire de menace)

Si jamais l’un de vous osait me contredire,

Ce serait, pour chacun, le bûcher ou bien pire !


(Il sort, et les autres personnages s’approchent un à un,

vérifiant que Monsieur Jacques soit bien parti)


Acte V ; scène 8

Orgon, Dorine, Elmire, Mariane, Valère,

Cléante, Madame Pernelle et Flipotte


DORINE

(mettant ses deux mains sur le visage, avec un emphatique étonnement)

Horreur !


ORGON

(feignant un grand calme)

Suffit.


MARIANE

(levant les bras au ciel)

Mais, père !


ORGON

(toujours calme)

Suffit.


CLEANTE

(agitant ses bras, comme pour résonner son frère)

Enfin !


ORGON

Suffit.

(très sérieux)

En refusant, vous y laisseriez votre vie.


DORINE

L’Eglise de France a été influencée !

Par ce Tartuffe elle aussi a été dupée !


(Elmire, blafarde, tombe soudain par terre)

FLIPOTTE

Monsieur ! Madame est à terre et se sent bien mal.


MARIANE

J’ai bien peur que ceci lui ait été fatal !


DORINE

Privée par Tartuffe, elle n’allait déjà pas bien…

De sa vie elle paye les frasques du coquin !


ORGON

Hélas ! Tant de malheurs surviennent aujourd’hui !

Je n’aurais jamais dû loger Tartuffe ici…

Vous tous aviez bien tenté de me mettre en garde !

Et vous disiez : « Ne sois pas dupe ! Entends ! Regarde ! »

Que cette infortune pèse lourd à mon âme…

(prenant exactement le même ton qu’à l’Acte III ; scène )

Il épousait ma fille, il a tué ma femme !


DORINE

(lui coupant la parole, d’un ton insolent)

Oh, vous, ravalez vos larmes ! Il est trop tard !

Nous échapperons à cet infâme barbare…

(tous les personnages se placent en cercle autour de Dorine,

les yeux rivés sur elle en signe d’attente)

Ecoutez-moi bien ! J’ai trouvé la solution :

(elle pointe son doigt en l’air, pour attirer l’attention des autres)

Cela nécessite toute votre attention…

Demain, à l’aube, nous partirons de la ville

Et…

ORGON

(agacé)

Dorine ! Ne soyez pas si puérile !

Vos idées de fuite ne mèneront à rien !

(d’un ton dramatique)

Tartuffe nous cherchera dès le lendemain…


VALÈRE

Mais, Monsieur, vous êtes trop pessimiste !


MARIANE

Oui ! Nous avons avec nous la chance et le Christ !


ORGON

(très irrité)

Veux-tu bien laisser celui-là au Paradis ?


MARIANE

(ne comprenant pas les brusques réactions de son père)

Qu’y a-t-il ?


ORGON

(ne pouvant plus garder son sang-froid, se met à pleurer)

Il m’accueillera dès aujourd’hui…


MARIANE

(désorientée, embarrassée)

Dis-tu ?


ORGON

(tentant de reprendre son calme pour convaincre les autres)

Laissez-moi exposer mes intentions !

Il veut l’un de nous vivant, et sans concession.


MARIANE

(fondant en larmes car elle vient de comprendre le dessein de son père)

Oh non, père !


ORGON

Je suis vieux, ma femme est décédée…


VALÈRE

(se rapprochant de lui)

Vous ne…


ORGON

(regardant tour à tour chaque personnage)

Je vous ai déçu, j’ai été trompé…

De tout réparer, tout effacer, j’ai envie

Pour que vous puissiez en paix vivre votre vie.


DORINE

Jamais ! Jamais !


ORGON

Mais c’est la seule solution !

Et… Je suis coupable de la condamnation…

L’avez-vous entendu ? Il revient ici

Bientôt… Avant son retour, vous serez partis !


MARIANNE

(pleurant à chaudes larmes)

Oh, père ! Jamais je ne saurais te remercier…


DORINE

(l'interrompant, et agitant ses bras)

Le voilà ! Hâtons-nous ! Je l’entends arriver !


MADAME PERNELLE

Fils !

MARIANNE

(tendant un bras vers lui, tentant de lui attraper

la main pour l’emmener avec eux)

Oh, Père…

CLEANTE

Mon frère !


ORGON

Fuyez, fuyez mes amis !

Je vous protègerai en payant de ma vie.


(ils partent tous en pleurant, et en jetant des regards interrogatifs à

Orgon, comme pour être sûrs de ce choix irréversible)

Acte V ; scène 9

Orgon et Monsieur Jacques


MONSIEUR JACQUES

(énervé, le défiant)

Où sont donc les autres ?


ORGON

(gêné)

Je ne les ai pas vus.

Mais…


MONSIEUR JACQUES

(voyant bien qu’Orgon ment)

Je vous avais suffisamment prévenu !


ORGON

Je le sais bien…

MONSIEUR JACQUES

(lui coupant la parole)

Vous n’êtes pas tous au complet,

Vous êtes donc, Monsieur, à mourir, condamné.


ORGON

(ayant soudain une lueur d’espoir)

Et le Prince ?


MONSIEUR JACQUES

Louis n’approuvait guère ce choix.

Mais l’Eglise est ici plus forte que le Roi.

« Si l’un d’entre eux, malheureux !, venait à manquer

Alors vous ferez subir la peine au dernier. »

Monsieur Tartuffe a ainsi prononcé ces mots…


ORGON

(penaud, regardant par terre)

Soit…


MONSIEUR JACQUES

Et je ne puis, Monsieur, lui faire défaut.

Monsieur vous gardera dans sa triste mémoire

Mais il se doit d’accomplir son pieux devoir.

(voyant arriver quelques hommes)

Mes hommes vont emporter tous vos bien dehors.

Pendant ce temps, je vais songer à votre sort.


(les hommes de Monsieur Jacques débarrassent les lieux rapidement.

Remue-ménage sur la scène.

Monsieur Jacques surveille les déplacements.

Seul Orgon reste immobile, sur le devant de la scène, face au public)


ORGON

Ô, Seigneur, je ne suis qu’un homme désolé,

Qui sa vie à un fourbe s’en va accorder.

Acceptez que je prie sur la voie de la mort…

Veuillez exaucer mes vœux une fois encore :

Offrez miséricorde à celui que je hais

Et que mes amis et enfants vivent en paix.


(Orgon reste ensuite silencieux.

Les hommes ont tout enlevé, la salle reste vide.

On aperçoit Monsieur Jacques à travers la porte, à côté d’un de ses hommes.

Cependant, on ne l’entend pas parler)

Acte V ; scène 10

Une salle très sombre. Une seule lumière éclaire Orgon,

qui se tient debout, au centre de la grande salle vide.



ORGON

(le regard vide et lointain, d’un ton très tragique, la voix tremblante)

Oh, ciel ! Je vais dans l’heure payer de mon sang

Le prix d’avoir un jour été fort inconscient.

Elmire est décédée, malheur au faux dévot !

Et je vais la rejoindre, hélas très bientôt.

Bonnes gens, que la morale de cette histoire

Reste éternellement gravée dans vos mémoires :

Dans la vie, il est bien judicieux de savoir

A qui il faut se fier, et qui il faut croire.


(A ce moment , Monsieur Jacques s’approche de lui,

pour l’amener hors de la pièce.

Orgon quitte la scène la tête baissée, sans se retourner.

Le rideau tombe lorsqu’il est sortit)

 

 

Victoire L., 2nde section internationale, lycée international de Valbonne Sophia-Antipolis (Centre international de Valbonne) ; mai 2006.


Date de création : 12/11/2006 @ 22:22
Dernière modification : 25/09/2009 @ 22:35
Catégorie : Copies d'élèves (2005/2006)
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