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d) Commentaire 1ère FLS

Vous trouverez ci-dessous la copie de bac blanc de français d'Olga, élève russe de 1ère, qui suit, dans le cadre de sa préparation à l'EAF,  un cours regroupant  des élèves relevant du FLE (français langue étrangère) ou de FLS (français langue seconde), au lycée international de Valbonne Sophia-Antipolis (Centre International de Valbonne) (professeur de Lettres, FLE, FLS : M. JF Bouché).

 

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Objets d’étude : Convaincre, persuader et délibérer. La poésie.


Corpus : Les deux Taureaux et une Grenouille, de Jean de La Fontaine. (in Fables).

 

 

 

 

Deux taureaux combattaient à qui posséderait

Une Génisse avec l’empire.

Une Grenouille en soupirait.

« Qu’avez-vous ? se mit à lui dire

Quelqu’un du peuple coassant.

-Eh ! ne voyez-vous pas, dit-elle,

Que la fin de cette querelle

Sera l’exil de l’un ; que l’autre, le chassant,

Le fera renoncer aux campagnes fleuries ?

Il ne régnera plus sur l’herbe des prairies,

Viendra dans nos marais régner sur les roseaux,

En nous foulant aux pieds jusques aux fond des eaux,

Tantôt l’une, et puis l’autre, il faudra qu’on pâtisse

Du combat qu’a causé Madame la Génisse. »

Cette crainte était de bon sens.

L’un des Taureaux en leur demeure

S’alla cacher à leurs dépens :

Il en écrasait vingt pas heure.


Hélas ! on voit que de tout temps

Les petits ont pati des sottises des grands.


Jean de La Fontaine, Fables, II, 4, 1668

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Commentaire.


« Vous commenterez la fable de La Fontaine »


Code des couleurs :

-1ère étape de l'introduction : présentation de l'époque et du mouvement littéraire.

-2ème étape  de l'intro : présentation de l'auteur et de l'oeuvre dont est tiré le texte à commenter.

-3ème étape : présentation de l'extrait.

-4ème étape : annonce des axes de lecture.

-Connecteur logique.

-Amorce d'un axe de lecture.

-Rappel de l'axe de lecture en cours.

-Transition.

-1ère étape de la conclusion : rappel des axes de lecture du devoir.

-2nde étape de la conclusion : Ouverture

 

 

Code des couleurs : ce guidage méthodologique ajouté aux copies elles-mêmes est destiné à faire de ces productions d'élèves un potentiel outil d'élaboration de futurs devoirs, ou encore de remédiation ou de correction.


Devoir d'Olga N. :






        L’auteur de l’extrait à commenter est Jean de La Fontaine, le fabuliste français le plus connu de toute époque. Il vécut en plein milieu du classicisme, pendant le règne du Roi–Soleil – Louis XIV. Dans son oeuvre, Fables, contenant treize livres, la dimension critique est très bien développée. La Fontaine dénonce le pouvoir absolu, les défauts humains, la cour, l’injustice, etc. On pourrait croire que son oeuvre a été soumise à la censure, mais, heureusement, ce n’est pas le cas grâce à son ami – ministre Fouquet qui l’a défendu. Notre extrait est tiré du deuxième livre des Fables : « Les deux Taureaux et une Grenouille ». Grâce au titre on voit qu’il s’agit d’une fable animalière, respectant toutes les habitudes et traditions de l’auteur, comme on le verra par la suite. Cette fable peint alors une histoire du combat de deux taureaux à travers le discours d’une Grenouille, mais derrière ses paroles, le lecteur éclairé découvre bien le sens implicite de la fable : la dénonciation des puissants.

 

 


        Jean de La Fontaine s’inspire pour le fond de sa fable de l’auteur de l’Antiquité Virgile, qui a écrit une épopée parlant de deux taureaux et de la bataille entre eux. A la fin, l’un est obligé de fuir : il s'exile, plein de noblesse. Ce lien est prouvé dans le texte par l’expression « deux taureaux combattaient » (v.1) et le mot « exil » au vers huit. On trouve ainsi les anthropomorphismes habituels de l’apologue : le fait que la Grenouille parle et les taureaux combattent, qui permettent de faire une transposition sur la vie humaine. La fable est bien animalière, mais l’auteur parle quand même des hommes. L’expression « Madame la Génisse » (v. 14) le prouve.

        Encore un trait typique de la plume de l’auteur : la fable versifiée. La fable a été écrite en prose auparavant, et La Fontaine est le premier qui a osé l’écrire en vers, de plus il mélange les alexandrins et les octosyllabes. Cela est son propre style, complètement nouveau a l’époque du classicisme.

        On trouve également le système bipôlaire habituel : les Grands opposés aux Petits. Et, finalement, la morale est séparée du récit et se trouve à la fin de la fable. La Fontaine utilise le présent de vérité générale pour enseigner la leçon valable encore aujourd’hui (« on voit », v.19 ; « tout temps », v. 19), mais pour le récit il garde l’imparfait (« combattaient », v.1 ; « soupirait », v.3 ; « écrasait », v.18) pour la description de la situation qui est faite à travers les paroles de la Grenouille.

 

 


 


        En effet, le combat de deux taureaux qui est au centre de la fable n’est pas décrit directement. C’est la Grenouille qui raconte et délibère de ses conséquences. C’est le discours direct limité par les guillemets (du vers4 au vers 14) avec le présent de l’énonciation (« avez-vous », v.6 ; « voyez-vous », v.6), qui est annoncé par l’auteur avec une périphrase : « [...] se mit à lui dire qulqu’un du peuple coassant » ( au lieu de « grenouilles » - v.4/5). Le lecteur est capable d’imaginer la sonorité de la voix de Grenouille grâce à l’alliteration en [k] (« Qu’avez-vous ? [...] Que la fin de cette querelle [...] que [...] », v. 5-8). A l’aide du discours de ce membre « du peuple coassant » (v.5), on poursuit l’histoire du combat ; elle nous présente aussi les conséquences : ce qui attend le vaincu et le vainqueur en utilisant le futur simple (« sera », v.8, « fera », v.9 ; « régnera », v.10 ; « viendra », v.11, etc) et deux champs lexicaux qui s’opposent : l’un sera a l’exil et « viendra dans nos marais régner sur les roseaux » (v.11), l’autre restera « aux campagnes fleuries » (v.9). Ce sont donc deux mondes complètement différents, et donc les modes de vie le sont aussi. On peut les comparer aux conditions de vie des riches et des pauvres dans la vie humaine.

        La Grenouille prévoit également la fin de cette histoire – les morts d’autres grenouilles (« foulant », v.13 ; « pâtisse », v.13 ; « écrasait », v.17). Elle joue ainsi le rôle d’un prophète qui prédit l’avenir, mais elle ne peut rien changer et l’attend modestement. Elle emploie une interjection au vers six « Eh ! », ce qui montre le fait de l’acceptation de la condamnation à la mort. Et l’auteur se met d’accord avec elle (« Hélas ! », v.19) dans la morale. L’attention du lecteur est aussi attirée par l’enjambement (« que la fin de cette querelle / Sera l’exil de l’un », v.7/8) qui se finit en plus exactement sur l’hémistiche séparé du reste du vers grâce à une césure marequée par le pint-virgule. Cela montre bien que la grenouille a raison et ce qu’elle prédit va avoir lieu : la victoire, la défaite, la mort de son peuple ; juste parce que les grands combattent, les petits doivent périr.

 

 


 


        Grâce à ce discours, le lecteur est capable de saisir le sens implicite de cette fable. Dès les deux premiers vers, on trouve les indices qui permettent d'aller vers le sens caché: « [...] combattaient à qui posséderait une Génisse avec l’empire » (v.1/2). Il s’agit donc d’un combat pour posséder le pouvoir, on trouve, en outre, le champ lexical de possession du pouvoir (« posséderait », v.1 ; « empire », v.2 ; « régnera », v.10 ; « régner », v.11) et le mot « peuple » (v.5), ce qui fait une antithèse dans la vie humaine à l’époque. Le pouvoir absolu et divin est totalement séparé du peuple, mais ce dernier dépend des autorités, comme les grenouilles dépendent des taureaux.

        Cette dépendance a alors un grand impact sur la vie du peuple. L’opposition entre le pouvoir et le peuple est prouvée dans la fable par le champ lexical mentionné auparavant : le « marais » et « roseaux » s’opposent aux « campagnes fleuries » et à l'« herbe de prairies » (v.9-11), ainsi que les palais des rois s’opposent aux maisons du peuple. Mais tout ce qui se passe avec les Grands de ce monde trouve un impact sur l’existence des Petits : ils doivent pâtir, être foulés et écrasés sous les pieds d’aveugles « Grands ». La Fontaine dénonce donc l’égoïsme des puissants, l’injustice envers les faibles et l’oppression : « Hélas ! [on n’y peut rien] on voit que de tout temps [ Les petits ont pâti des sottises des grands » (v.19/20). Mais si on regarde de plus près, on remarque que cela concerne chacun, en fait. La Fontaine nous invite à découvrir cet égoïsme en nous-mêmes. Il dénonce ainsi la cécité des hommes qui est vraie « de tout temps » (v.19).

 

 


 


        Au premier abord, le lecteur voit une histoire du monde animalier, puis il remarque quelques indices du sens caché et découvre enfin la dénonciation des grands et des défauts humains à travers le discours de la Grenouille et la morale : « Les petits ont pâti des sottises des grands » (v.20). En fait, l’auteur aurait pu utiliser le présent de vérité générale au lieu du passé composé (« ont pâti », v.20) puisque c’est toujours le cas. L’humanité n’a pas de motif pour changer. C’est pour cela qu’on étudie toujours les Fables de La Fontaine, quatre siècles plus tard, car elles ont cette dimension de vérité générale. Ses morales et ses leçons sont encore actuelles et nous parlent à l’époque de la technologie, si éloignée du classicisme, et il est absolument évident, qu’on peut en retirer beaucoup de sagesse précieuse.

 

Olga N. (Russie), 1ère section internationale, FLE/FLS, lycée international de Valbonne  Sophia-Antipolis (Centre international de Valbonne) ; février 2006.

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Epilogue : Olga N. a obtenu 12/20 à l' écrit  et 20/20 (!) à l'oral de l'EAF de juin 2006.


Date de création : 12/11/2006 @ 22:28
Dernière modification : 25/09/2009 @ 22:51
Catégorie : Copies d'élèves (2005/2006)
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